dimanche 29 novembre 2015

Contes et légendes de Melin : Je ne suis pas Josep

De retour au village de Pointesable, on a pu négocier notre prestation. Nous filons le plus gros de l’argent à Déverin, pour les familles des nombreuses victimes des derniers jours ainsi que pour la reconstruction de tout ce qui a été foutu en l’air par les mauvaises actions de Nualia et de ses sbires.

Et en échange, en plus des clés de la ville, et d’être nommés citoyens d’honneur, on se la coulait douce. Ameiko, désormais seule héritière de la verrerie, nous proposa même de gérer le Dragon Rouillé. Ce que j’acceptai de ce pas. Je foutais même Gucko en cuisine et si besoin est, en qualité de videur. Les autres retournaient à leurs glandouilles habituelles. Deivon priait. Léomard s’entraînait au tir à l’arc. Raddagard apprenait à lire. Non je déconne pour ce dernier…

Haggard lui s’est cassé aussitôt le partage du reste du butin fait. Sans un mot. Merci l’ambiance. Surtout qu’une grande fête allait être donnée en notre honneur. Un bal. Des cochons à la broche. Des gamins qui courent de partout en criant. Des vieux qui radotent sur leurs bancs. De jeunes jouvencelles croisant les jambes lors des danses avec de beaux jeunes mâles pour les décroiser un peu plus tard dans les granges… Bref, tout ça quoi.

Et pourquoi pas ? Je veux bien sûr parler de danser. Autant s’amuser un peu dans ce village qui au fond nous a tout de même bien accueilli.

La fête fut des plus plaisantes. Raddagard fit la connaissance de la famille Vinder. En fait il aurait préféré ne connaître que les deux filles du vieux Ven. Mais le père veillait au grain. Le vieux qui tenait le bazar du coin, avait la « chance » d’avoir les deux plus belles filles du village. Mazette ! Je pense être plutôt jolie, mais là les deux jouvencelles battaient tous les records.

 Un peu jalouse, j’allais voir les deux bécasses, Shayliss et Katrine, leur faisant croire que le shoanti avait des pratiques amoureuses plutôt masculines. Cela les étonna fort mais les fit pouffer de rire. Mais faut avouer que le guerrier ne se laissa pas démonter par mes pitreries et les invita à danser avec de bonnes arrières pensées.

Bref je les laissai là pour aller discuter et boire quelques gobelets avec d’autres villageois comme Vezznut Parroh, Drokkus, Issoar, Gennan ou encore Kendra.  Et je laissai quelques hommes m’inviter à danser. Etrangement aucun mâle de notre groupe eut la courtoisie de le faire. D’un autre côté j’imagine mal Deivon valser. Et dans ces instants festifs, Leomard a plutôt tendance à rabattre sa capuche. Bref la fête battait son plein et le houblon et autres vins cuits coulaient à flots.…
….
….
« Réveilles toi Melin. Ca a l’air plutôt grave. »

Que ? Quoi ? Je suis où là ? Ah ouais, à l’auberge. Un peu mal à la tête. Hum, au moins seule dans le lit… C’est qui lui qui vient de rentrer dans ma chambre sans autorisation ? Ah ouais Gucko. Le géant vert.

Je descendais la gueule un peu enfarinée pour découvrir réunis dans la salle commune, les autres membres du groupe ainsi que Cigue, la mine sombre, annonçant :
« Deux meurtres ont été commis cette nuit à la scierie. La jeune Katrine Vinder et Banny Harker. C’est Ibor Thorn qui en se rendant à son lieu de travail les a découvert ce matin. Pas joli, joli.»

J’avais envie de crier à Cigue, que putain de merde, il ne pouvait pas se passer un jour sans que ce soit le bordel dans son village et que je voudrai bien pouvoir avoir de temps à autre une grasse matinée. Ben voyons autant aller fouiller dans la bidoche de bon matin. 
Mais bon je m’abstins.

On se rendit sur place. « Pas joli, joli », tu m’étonnes. Pas besoin de vous décrire tout ça tellement c’était sordide. Un détail cependant important : l’étoile à 7 branches avait été tailladé sur la poitrine  Le type qui avait fait ça , en plus d’être un salaud et un pervers, devait être sacrément barré.

Ibor avait découvert les corps en arrivant de bonne heure ce matin. Il nous avoua qu’il avait laissait les clés de la scierie à son copain Banny la veille au soir. Afin que ce dernier invite Katrine à la fin du bal pour une petite sauterie. Ah ces jeunes…

Vu l’état dans lequel était Thorn, on ne pouvait que le croire et ne pas le croire coupable. Par contre un mot étrange avait été accroché sur le corps de Banny, adressé à Raddagard !
« J’agis selon vos ordres, maître »
Evidemment nous avions confiance dans le shoanti, mais visiblement on voulait l’impliquer dans ces deux meurtres.

Il ne nous fallut pas longtemps pour comprendre ce qui s’était passé. Quelqu’un avait débarqué par la rivière cachant une barque sur la rive opposée afin certainement d’observer les lieux. Des traces laissées un peu de partout étaient évidentes pour Léomard. Puis cette personne avait du traverser et rejoindre le ponton de la scierie pour enfin s’introduire  à l’intérieur et commettre son méfait.

Soudainement, Cigue fit le rapprochement avec trois autres cadavres découverts il y avait quelques jours, portant un parchemin avec la même écriture que le mot impliquant Raddagard. Les trois types étaient des petites frappes que le prévôt avait « banni » du village. On les avait retrouvés dans une grange de ferme assez proche de Pointesable grâce à Grayst Sevilla. Mais ce dernier en avait perdu la boule et avait placé depuis au sanatorium. Peut être pourrait il nous en dire plus.

En allant inspecter les corps à la fausse commune, nous retrouvâmes les marques de l’étoile à 7 branches. Sans perdre de temps, nous prenions nos montures et nous mirent en route par la route de la Côte oubliée afin d’aller inspecter la grange. De plus le sanatorium se trouvait dans les environs. 

L’enquête commençait…

Quelques minutes plus tard, nous croisâmes un vieil homme qui semblait hagard et qui nous interpella en plein milieu de la route.
« Messeigneurs, aidez moi. S’il vous plaît, je vais devenir fou. Les épouvantails vers chez moi, ils bougent !Il  y en aussi d’autres pareils sur la route.»
« Ils bougent ! Ils bougent ! » ne cessait il de répéter.

Il s’agissait du vieux Dick qui habitait à une heure de là dans les terres cultivées.
Bref ces propos nous étaient incompréhensibles mais lorsqu’un peu plus loin, certains d’entre nous se rapprochèrent des dits épouvantails, nous découvrîmes une nouvelle horreur. Il s’agissait en fait de véritables humains attachés, visiblement morts mais toujours animés… Ceux-ci, certes liés, mais agressifs, gémissaient et puaient la putréfaction.

Raddagard et Gucko abrégèrent rapidement leurs souffrances.

Nous ne savions pas ce qu’il se passait dans la région. Mais ça commençait à sentir le boudin.
Il y a quelque chose de pourri au royaume de Varisie...*
*(inspiré de Hamlet)

Post-scriptum :

Vous vous demandez toujours le pourquoi de ma première phrase, je suppose ?

Josep est un type que j’ai rencontré il y a fort longtemps à Magnimar. Il avait débarqué un jour en bateau avec une nommée Sarfath. Couple à la ville comme à la vie, ils avaient beaucoup bourlingué.
C’était drôle de les voir : elle petite et toute menue, lui un mastard de première de deux mètres de haut avec une longue barbe. Anciens aventuriers à la retraite, nous avions partagé quelques repas à l’auberge où je travaillais m’inspirant de leurs nombreux récits pour créer de nouveaux contes : « La campagne impériale » se passait dans de très lointaines contrées.

Bref peut être fantasmaient ils leurs récits mais ce qui m’avait marqué chez ces personnages, c’est qu’ils avaient tiré profits de toutes les situations qui leurs étaient arrivées au cours de leurs aventures. Ils ne « laissaient rien passer » comme ils disaient et avaient rapidement acquis trésors et notoriétés.
Un peu comme nous à Pointesable, dans une moindre mesure. Mais au fond, passées les premières excitations,  j’en revenais : Je n’étais pas Josep !

N’avais-je  pas écrit dans mon précédent conte : « Ah la notoriété ! Et la thune. Y a que ça de bon non ? ». Voilà une phrase qu’il avait du prononcer et dont j’ai du m’inspirer.
Finalement je réalise, que ce qui me pousse à continuer dans cette aventure, va au-delà du gain facile, des négoces et de l’excitation de toujours « tirer son épingle du jeu ».

Nous avions laissé une grande partie de l’argent à la gestion de Deverin. Nous n’avions jamais rechigné à aider Cigue en demandant rarement quelque chose en retour. Ce matin il n’avait pas fallu des plombes pour qu’on se sente investi. Deivon, Leomard, Raddagrd, Fijit ne semblent pas des profiteurs. Ce qui m’intéresse c’est de faire avancer notre civilisation tout en comprenant mieux les anciennes. L’intérêt collectif plutôt que l’intérêt individuel.


Bref je ne suis pas Josep. 
Je suis Melin et je suis une Eclaireuse…